Quelques pierres au bord du ciel
Le premier recueil publié chez un éditeur. La pierre chaleureuse des bories dès la couverture et dans les textes assez longs pour moi, ouverts à toutes les libertés. Un second repère où les saisons et les hommes se marquent mutuellement de leur caractère puissant. Avec toujours les traces de la vie, qu'elles se complaisent dans le velours charnel où se taillent une stature de veilleurs sur les sommets abruptes de la recherche et de l'émerveillement intérieur.
Le colporteur du vent
Il traverse le futur dans les brumes du jour. Il fend les glaces des chaumes engourdis entre les mains calleuses des basaltes dressés. La trace s’éteint sous les souffles furieux du nord. Interrogation courbée sur le chemin blanc, il hante le vide des tempêtes lâchées. Il arrache à pleines dents les soies des coffres où meurent les richesses des fous. Le vent relève son torse de lutteur. L’étoile glacée de la nuit invente des labyrinthes au détour des arbres nains. L’hiver étend son étole de bure sur l’absence qui se fige. Il envahit ce désert à coup de solitude. Il gagne ornière après ornière les refuges des tourmentes et brûle leurs oripeaux. Il solde ses craintes aux sables africains et porte en ses poches les pierreries solaires comme laissez-passer à la face des gardiens des landes élevées. Les portes des Himalayas s’ouvrent derrière les rigueurs des champs aux lampadaires de givre. Il ne subsiste des mondes d’ici que poussière de sable sous ses ongles et légère blancheur dans ses cheveux. Un cordon de laine rouge, un regard et le ciel comme profondeur où s’enfoncer.
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Entre Saône et ciel
Corps liés aux nuages Totems inversés Ames chevillées à la terre Que faut-il renverser Pour marcher sur nos pieds Voir le monde à l'endroit Voir les toits en carènes Et les arbres fichés Entre le noir des rues et le gris de nos murs Voir les péniches nuages oscillants Sur le ciel de la Saône Voir les oiseaux en équilibre Maîtres des fluides Qui ensemencent les vents Les rivières et la mer Sentir la passerelle vibrer sous les pas Rompre ses amarres Filer au-dessus des eaux immobiles Poursuivant les chalands Les façades rieuses saluent les voyageurs Depuis les flancs de la colline Le ciel se rouille sous le soir tombant Les ombres se fanent Plus d'endroit ni d'envers Des lueurs montent des eaux |
Au puits
Au puits où se déchirent Les mains accoucheuses de vie La terre donne toutes ses larmes Et l'outre s'enfle des espoirs de moisson |
L’ondée
S'amarrer un instant Pieds nus dans la terre mouillée Tête empanachée de vent Sous l'ondée rieuse Puiser dans l'abandon du ciel Le parfum des naissances Attendre la déchirure des nuages Et s'ensoleiller |
Jardin
M'enfonçant dans ce jardin en friche J'ai découvert l'odeur du thym Et le goût de l'ortie Le sentier envahi De liseron fleur d'un matin Retient mon pied dans ses lianes sèches |
Le nord effilé et coupant
Au sursaut des bourrasques déshabille les arbres Avec une larme au coin de l’œil L’ouest en ses galops échevelés Dévale en torrents sur les crêtes Et comble les plaines de l’étale des crues Et le sud tout en sable Cri d’Afrique désert désert Qu’en est-il point ici L’est subtil et fin Timide au coin du mur attend L’inspiration qui lui ouvrira la barrière serrée |